8 Avril 2024 : " s’il n’y avait pas l’enceinte de la prison, on se croirait dans un bistrot littéraire"

Emilie krengel

Emilie Krengel 

Page auteure

Une nouvelle expérience riche en émotions et en apprentissages ! Je retrouve mon binôme, Quentin, avec qui j’ai pu échanger quelques jours auparavant. Son univers atypique empreint de magie lui a permis d’élaborer un exercice d’écriture qui complète l’aspect thérapeutique que j’ai l’habitude de proposer. J’ai hâte de voir ce que cela suscitera chez les participants !

Au terme du cheminement ponctué de cliquetis de serrures et de portes fermées, nous voici arrivés. C’est sereinement que je franchis le seuil de cette bibliothèque qui, au fil des interventions, est devenue quelque peu familière. Etrangement, la pièce, encore vide, me semble à chaque fois plus étroite et plus sombre. Nous décidons de bouger les tables pour tenter de donner une ambiance plus accueillante au lieu. Les participants finissent par arriver et ils ont l’air inspirés par les livres. Rapidement, nous échangeons sur la littérature, la philosophie, la poésie, le théâtre. Je souris intérieurement car tout prend rapidement sens. La culture, la curiosité, l’envie d’apprendre et de s’enrichir des différences des uns et des autres donnent à ce moment une saveur particulière. Quentin nous parle des créatures fantastiques qui peuplent ses romans et je pense que chaque enfant tapi en nous se délecte en imaginant les dragons surplomber le ciel. Pour ma part, j’ai apporté mon troisième roman, une comédie romantique "feelgood". Ils ne sont clairement pas les cibles de cet ouvrage et je n’assume pas ce choix mais mes deux autres romans sont déjà présents sur les petites étagères. Pourtant, les participants le feuillètent en riant et ça me remplit de joie et de gratitude.

Le second temps est dédié à l’écriture. Certains nous partagent leurs écrits, d’autres préfèrent les garder et poursuivre une fois seuls. Vient le moment de repartir. On se dit au revoir en se souhaitant mutuellement le meilleur pour l’avenir.

Des inconnus réunis qui, l’espace de quelques heures ont convergés ensemble dans un même sens, avec une même intention, celle de franchir les barrières invisibles et visibles

Quantin mondiveci portrait

Quentin Mondiveci 

Page Auteur

Je suis intervenu hier avec Emilie pour le CNE de Sequedin. Première fois en milieu carcéral. Si ce n’est toutes les portes fermées que nous ouvrons par des boutons d’appel en attente d’une réponse, les déambulations dans l’établissement me font penser aux labyrinthes de certains milieux hospitaliers. Aucune appréhension, puisqu’aucune attente de cette rencontre.

Après un petit retard, dû à un manque de personnel, nous confie notre guide, nous arrivons dans la modeste bibliothèque, qui peut contenir, tout au plus, dix personnes. Un peu petite, tout de même, pensé-je sur le moment. Nous avons le temps de regarder ce qui s’y trouve. Cela part dans tous les sens : histoire, religion, art, romans policiers… Enfin les détenus arrivent, plutôt âgés, je les imaginais plus jeunes. Ils sont sept. A ma grande surprise, dès que nous les interrogeons sur leurs lectures, ce sont soit des livres pratiques, soit des livres philosophiques. En fait aucun roman pour « s’évader ». Ils abordent aussi des ateliers de poésie, de théâtre et de lecture auxquelsils participent. Emilie va les éveiller par ses romans modernes et son envie de partager sa culture. Mon domaine qui est l’imagination pure va plus que les intriguer. A la réflexion d’un des leurs « Et vous arrivez à dormir. », je souris. L’imagination me fait faire de beaux-rêves, elle n’a jamais provoqué d’insomnie. Je me pose cette question : pourquoi ces hommessont-ils devant nous ? Nous avons des discussions enrichissantes, ils ont un parcours littéraire indéniable, s’il n’y avait pas l’enceinte de la prison, on se croirait dans un bistrot littéraire. Puis vient l’exercice. Nous leur proposons deux thèmes, l’écriture thérapeutique chère à Emilie, et l’imagination, au choix. Ils n’y participent pas tous. Les moinsimpudiques nousliront leurs quelqueslignes, trèstouchantes. Les stylos de couleur emmenés par Emilie feront sensation. Ils repartiront avec, souvenirs d’une rencontre trop brève.

Tout à une fin. Nous nous retrouvons en attente dans un escalier. « Bloqué dans l’escalier » est le titre qui me vient sur l’instant. Puis la rencontre d’un autre intervenant formateur au sein de la prison. Pour finir, le moment où nous récupérons cette petite carte qui définit notre identité. Une expérience hors du temps, des chemins battus, que je compte bien réitérer. Un monde étrange qui imprégnera peut-être un jour mon imagination pour de nouveaux écrits