23 Octobre : Dans la peau d’un juré ...de concours littéraire

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Florian Galasse  

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C’est avec une certaine excitation que je retourne au centre pénitentiaire de Sequedin, tant ma première expérience un mois auparavant avait été enrichissante.

Après les passages de sécurité d’usage, je suis rejoint par Marie-France devant la bibliothèque de l’établissement carcéral. Je suis ravi de la rencontrer enfin après quelques mois d’échanges qui n’étaient jusqu’à présent que virtuels.

Les participants arriveront une dizaine de minutes plus tard, ce qui nous laisse l’occasion de discuter un peu. Enfin, 6 détenus nous rejoignent pour participer à cette session.

Nous nous présentons tous et Marie-France propose aux lecteurs de leur lire les nouvelles lauréates d’un récent concours littéraire. En préambule elle explique les bases de ce qui constitue une nouvelle. L’auditoire se montre curieux et intéressé.

En s’arrêtant habillement entre certains chapitres, elle permet aux participants de s’interroger et de réagir. Ils nous font part de leur ressenti et le pari est décidément réussi : Marie-France a vraiment su capter leur attention et leur intérêt avec des textes qui ne sont pourtant pas forcément les plus accessibles qui soient.

J’en viens ensuite à parler de mon parcours et de la BD. Là aussi, ils se montrent curieux et intéressés. On aborde les questions de création d’une BD, le choix d’un thème, d’une couverture, de l’importance du dessin qui doit servir avant tout une histoire, sans forcément être une simple prouesse technique.

Ils sont surpris d’apprendre que mon livre qui remporte le plus de succès est celui pour lequel j’ai pourtant volontairement choisi de faire les dessins les plus basiques, simplement parce que cela servait mieux le sujet et la cible du livre : le Monde de Mathéo, livre jeunesse illustré sur l’autisme.

Au terme de cette session, ils souhaitent discuter des activités en milieu carcéral, et se disent simplement déçus qu’on ne puisse se revoir avant la fin de leur passage à Sequedin. Nous leur remettons chacun un livre qui restera disponible à la consultation au sein de la bibliothèque de la prison.

J’aime décidément beaucoup ce format de participation en binôme, qui permet d’aborder différentes visions de l’écriture avec les détenus et permet également à chacun des 2 intervenants de rebondir sur le travail de l’autre. Passer de la nouvelle à la BD, en passant par le roman permet à mon sens d’appréhender toute la richesse de l’écriture. Ce fût une fois encore un moment très enrichissant, pour les participants comme les intervenants : je ne demande qu’à renouveler !

Portrait mf delporte

Marie France Delporte 

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Lundi 23 octobre, nous étions en intervention à la maison d’arrêt de Sequedin. Je n’étais pas revenue sur les lieux depuis plus d’un an et m’étonne, comme à chaque fois, de l’ouverture sur un paysage rayé qu’offre la bibliothèque. A travers les carreaux, le champ visuel s’ouvre sur cinq à sept épaisseurs de grillages (difficile de compter avec certitude tant l’horizon est hachuré) qui délimitent des espaces adjacents. En proximité directe, les fenêtres sont protégées par deux rangs de barreaux : un quadrillage serré est venu en renforcer un autre, probablement indigène. Si un livre pouvait autrefois aisément être lancé au dehors, impossible au jour où nous sommes de laisser s’échapper les couvertures cartonnées et les pages imprimées des ouvrages qui garnissent les étagères. La bibliothèque, avec ses précieuses lignes d’écriture que les auteurs qui se sont succédés en ces lieux auront laissées sur place, est mieux gardée qu’une forteresse d’où l’on pourrait aisément faire passer les feuillets dans des meurtrières.

Je m’étonne aussi de l’évolution du lieu. L’empilement de fortune de nombreux romans, me fait penser qu’un débordement de culture s’est emparé du lieu, témoignage de la volonté carcérale de nourrir les esprits.

Six détenus participent à la session, le septième qui nous était annoncé, n’aura jamais trouvé le chemin. Dernièrement jury d’un concours de nouvelles organisé par une institution aux centres d’intérêts communs à la nôtre, je choisis de proposer à nos auditeurs d’appréhender le rôle d’un juré. Je donne les consignes du concours, je lis les textes primés, paragraphe par paragraphe et j’explique le travail d’analyse. Ensemble nous appréhendons la méthodologie de l’auteur, qui construit son travail autour du cadre qui lui est imposé. Les habiletés sont soulignées. Nous décortiquons le travail d’élaboration de l’histoire avec un fil conducteur en filigrane qui conduit à une chute surprenante, caractéristique de la nouvelle. Parmi les textes choisis, les personnages principaux sont tour à tour un chat et l’aiguille d’une pendule. J’invite les participants à réfléchir, paragraphe après paragraphe à ce personnage dont on parle : quel est-il ? Une fois le mystère dévoilé, je reprends le texte, j’explique le travail de construction de l’auteur, pour jalonner l’histoire d’indices, depuis le titre, dont celui de « Mia », par exemple, qui nous orientait dès le début sur une sonorité proche de celle du cri du ronronnant moustachu.

Toujours sur un versant pédagogique, Florian explique la construction d’une BD : l’enchaînement des images pour conduire à une chute, l’agencement d’une page pour un message visuel réussi. Il parle du choix d’une couverture et de son impact sur le destinataire de l’album. La BD se destine à tous les publics. Les livres dessinés pour adulte doivent être identifiables parmi d’autres. Les messages que renvoient une couverture, permettent un adressage pertinent en matière de public cible.

Le groupe est composé entre autres d’un dessinateur, une aubaine pour lui qu’un créateur de BD soit intervenu ce jour, d’un responsable de bibliothèque pénitentiaire et d’une personne qui se présente comme ayant un rapport au maniement du stylo qui se cantonne à l’écriture de cartes postales.

En arrivant dans la pièce, j’avais remarqué un reliquat de cartes de Noël offertes par les membres de l’ADAN l’année dernière. L’occasion est trop belle. Avec la permission du gardien, les détenus repartent enchantés, avec des supports pour écrire à leurs proches.

Comme souvent, le travail de présentation effectué au cours de la séance suscite l’envie : on souhaite emprunter nos livres. Les participants ont apprécié le travail pédagogique de décorticage d’une nouvelle. Ils demandent si nous allons revenir !

16 Septembre : " Ni heureux ni malheureux, je pleure ma liberté "

Photo florian galasse

Florian Galasse  

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C’est avec une grande curiosité que je me suis rendu à cet atelier en milieu pénitentiaire. C’était une première pour moi. Avant de passer les différentes portes qui devaient nous amener à destination, j’ai pu faire connaissance avec Émilie Krengel, écrivaine, qui était mon binôme ce jour-là. J’ai tout de suite senti que nous allions bien nous entendre. Évidemment, nous nous étions appelé quelques jours avant pour discuter de ce que nous pourrions proposer lors de cette rencontre. Nous étions de toute évidence sur la même longueur d’ondes.

Nous nous sommes installés dans la bibliothèque du centre pénitentiaire et 8 détenus sont venus nous rejoindre. Ils étaient présents sur la base du volontariat. Nous avons tout d’abord accueilli les participants, en leur présentant brièvement notre travail. Ils se sont montrés très intéressés et très curieux, posant de nombreuses questions sur notre parcours, sur nos ouvrages, nos projets ou encore notre façon de travailler.

L’un d’entre eux nous a même expliqué que son projet en sortant de prison serait de devenir éditeur. Chacun d’entre eux s’est exprimé et à l’issu de cette discussion, Émilie les a alors invités à répondre par écrit au sujet suivant :

Ecriture thérapeutique 

L’écriture renferme un pouvoir insoupçonné, celui de la sérénité et de l’épanouissement. Certains mots rongent, malmènent lorsqu’ils sont enfermés et contenus dans le cœur. C’est pourquoi les poser sur le papier peut avoir un effet bénéfique, salvateur. Les mots nous élèvent lorsqu’ils sont posés avec sincérité. Cela peut prendre de multiples formes : poèmes, journal quotidien, fiction... 

Aujourd’hui nous vous invitons à démarrer, de la manière la plus simple et naturelle qui soit, avec quatre questions. Vous pourriez choisir d’y répondre toutes les semaines pour apprécier votre évolution personnelle et, peut-être, faire naitre l’envie d’écrire davantage ? 

1) Qu’est-ce qui vous a rendu sincèrement heureux aujourd’hui ?


2) Citez au moins une chose, même simple, qui vous a fait éprouver de la gratitude aujourd’hui ?


3) Quel est l’objectif que vous aimeriez atteindre cette semaine 

4) Décrivez en trois mots l’atelier d’aujourd’hui

A vos stylos 

Ils ont tous joué le jeu pour se prêter à ce petit exercice d’écriture. L’un d’entre eux était afghan, ne parlait à peine que quelques mots de français et ne pouvait écrire qu’en arabe. Malgré cela il a tenu à participer aussi avec l’aide d’un codétenu qui lui faisait les traductions.

Leur écrit fini, ils nous les ont lus à tour de rôle et nous avons été impressionnés par leur engagement. La plupart avaient répondu à toutes les questions et à la question « qu’est-ce qui vous a rendu heureux aujourd’hui ? », la réponse unanime était « cet atelier d’écriture ».

À l’issue de cette lecture, j’ai proposé qu’Émilie Krengel lise un passage de son livre, et qu’ils dessinent ensuite la scène telle qu’ils l’avaient imaginée. 

Il a bien sûr fallu les mettre un peu en confiance car leur première réaction était de dire qu’ils ne savaient pas dessiner, mais ils ont finalement accepté avec plaisir de se prêter à ce petit exercice. Il était intéressant de voir à quel point la même scène pouvait être imaginée de façon différente selon chaque auditeur.

Ce fût pour moi une après-midi d’échange, de partage, mais aussi de très grande émotion ! Il s’est dégagé de ces discussions beaucoup de sourires, de rires parfois, mais surtout d’humanité (ce sont d’ailleurs leurs propres termes) ! Cette journée a été pour moi vraiment très enrichissante et je suis prêt à renouveler cette expérience avec plaisir !

 

E krengel

Emilie Krengel 

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" Les rencontres se succèdent mais ne se ressemblent pas…

C’est assez confiante que j’aborde cette seconde intervention au CNE de Sequedin. J’ai échangé la veille avec Florian Galasse , mon binôme, et je suis certaine que nous allons très bien nous entendre. Arrivée sur place, le stress commence un peu à monter lorsque nous devons cheminer seuls jusqu’à la médiathèque. Nous réprimons un rire nerveux lorsqu’un gardien nous tend un boitier d'alarme en expliquant que celui-ci est très sensible. Je dois bien avouer que je laisse volontiers Florian se charger de la garder, trop effrayée à l’idée de la déclencher involontairement…

Nous arrivons enfin jusqu’à la petite bibliothèque et comme la dernière fois, je m’y sens délestée du stress. Huit participants arrivent ce jour-là et rapidement, nous entrons dans le vif du sujet : les livres. 

Florian présente ses ouvrages et l’intérêt suscité pour son travail est immédiat. Les participants sont curieux et l’un d’eux nous explique même vouloir écrire un roman policier qui se déroule en milieu carcéral. 

La première heure défile très vite entre échanges sur la littérature, sur le métier d’auteur, mais aussi sur la société et sur les valeurs de la vie. C’est un moment enrichissant, hors du temps, dans une ambiance joyeuse et bienveillante. La seconde partie est dédiée à l’écriture thérapeutique et au dessin. Nous voulons les faire écrire et tous se prêtent à l’exercice. Sur le papier, ces hommes déposent un peu de leur colère, de leurs espoirs. Certains nous glisse des proverbes et des blagues et en relisant leurs mots, je pense que l’exercice leur ont fait du bien. 

Un des détenus est Afghan et a rédigé quelques lignes en Farsi que j’ai pu faire traduire. « Je suis calme, ni heureux ni malheureux, je pleure surtout ma liberté… » comme une déclaration d’amour poétique à la liberté. 

Le mot qui revient le plus à cet instant-là est humanité. Et je dois dire qu’en y repensant, je suis touchée et pleine de gratitude d’avoir pu partager ça avec eux. 

Enfin, je lis un extrait de mon roman et Florian les invite à dessiner la scène. C’est un moment joyeux, ponctué de rires qui clôture parfaitement cet atelier. 

Lorsque le gardien arrive, je suis presque étonnée de le voir. J’ai oublié que nous étions dans une prison et les deux heures ont passé très vite. Quand mon regard croise celui de Florian, je comprends qu’il ressent la même chose. 

 

24 Juillet : « hier j’ai perdu 24h, aujourd’hui j’ai gagné 24h »

V florian

Valérie Florian 

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Valérie Florian est déjà intervenue 4 fois en milieu pénitentiaire mais c’est une première pour Sylvine Ploix Hugé. Elles ont préparé leur intervention ensemble par téléphone et échanges de mails. 

Après avoir déposé leur pièce d'identité et leur portable dans les casiers de l’accueil, un gardien les guide jusqu’au Centre National d'Evaluation ( CNE ) . Les échanges vont se dérouler de 14h15 à 16H15.

Installées dans la salle qui fait office de bibliothèque, elles accueillent 7 des 9 détenus inscrits (de 20 à 70 ans) car 2 sont empêchés par un entretien. Chacun est invité à se présenter et dire un mot s’il le souhaite (sur les raisons de sa participation ou autre). Un aime lire. L’un a passé son bac et a validé sa deuxième année de licence en Histoire Géographie pendant sa détention pour la culture générale car son projet est d'ouvrir sa boulangerie - pâtisserie - chocolaterie à sa sortie. Deux d’entre eux sont vivement intéressés par l’écriture et les différentes options de publication. Ils ont d’ailleurs participé en tant que jury à des concours et écrit une nouvelle dans le cadre du projet cercle de lecture par l’association "Lire c’est vivre" dans la prison de Fleury-Mérogis (les nouvelles sont disponibles sur le site du ministère). Les autres participent volontiers à toutes les activités proposées.

Valérie présente l’ADAN, l'objectif de l’intervention et rappelle les consignes : neutralité et authenticité. Puis, les deux auteures se présentent, et les questions-réponses s’enchaînent, de façon très spontanée. Elles sont nombreuses. Exemple : quel est le déclic pour se lancer ? Par quoi on commence ? Quelles sont les différentes possibilités de se faire publier ? Quand on veut écrire , chercher des pistes pour les aider à commencer en fonction du type de livres : romans pour Sylvine ou poésies pour Valérie. Les participants sont très intéressés et attentifs. 

 

Sylvine ploix huge 2

Sylvine Ploix Hugé 

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Valérie lit ensuite son texte "slam" sur les détenus, titré : Le vague à "lames" des murs, extrait de son livre de poésies illustrées " Au cœur des sables émouvants", Sylvine lit l'introduction de son roman d’anticipation « Oblivictus ».

Sylvine propose aux volontaires deux exercices d’écriture simples et rapides. Tous acceptent volontiers et lisent même leur texte devant les autres à voix hautes, se dévoilant parfois intimement à travers leurs mots.

Chaque lecture est accueillie par des applaudissements et une réelle bienveillance de la part de tous. De la solidarité, de la fraternité et de l’humour ressortent clairement de ces deux heures passées ensemble. 

A la fin, les participants nous font part de leurs ressentis : ils auraient aimé que cela dure plus longtemps aujourd'hui et même plus, comme ils sont là pendant 3 semaines, ils auraient aimé pouvoir acheter nos livres quel que soit le moyen de distribution. L’un deux répète ce qu’il a écrit dans son texte « hier j’ai perdu 24h, aujourd’hui j’ai gagné 24h », et précise « parce que j’ai appris des choses avec vous ».

Sylvine les remercie pour leur intérêt, leur participation active et leur sincérité. Valérie leur confie: « J'espère vous avoir autant apporté que vous nous avez apporté."

Valérie remercie l'association des Auteurs des Hauts de France de nous donner l'opportunité de faire ces interventions toujours aussi enrichissantes et ainsi de nous donner l'occasion de faire de nouvelles rencontres entre auteurs.

Les exercices proposés : 

Ecrire 2 quatrains avec des amorces imposées : Je suis, J’ai, Je viens, Je m'appelle, Hier, Demain, Un jour

Les 10 mots : Chacun propose un mot (nom commun, verbe, adjectif…) chacun écrit un court texte en employant les 10 mots.

2 phrases choc : "on fait l'amour au vide" - "l'amour c'est la prison du coeur" 

Humour : l'amour rend aveugle et le mariage redonne la vue !!!

Des conseils et explications: différence entre maison d'édition, les % de droits d'auteurs, l'auto-publication - liberté, valeur ajoutée de l'auteur, pas de prise de risque financière, marge plus importante . exemple : thebookédtion.

12 Juin : insuffler de la vie à ses textes

Sylvie bocquet

Sylvie Bocquet 

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Le lundi 12 juin 2023, Sylvie Bocquet et Thierry Moral se sont donnés rendez-vous devant la maison d’arrêt de Sequedin. Tous les deux sont habitués à intervenir en milieu pénitentiaire et ont préparé leur intervention chacun de leur côté.

Le trajet du parking à la salle de lecture du Centre National d’Evaluation se fait relativement rapidement. Il faut se présenter à l’accueil pour une vérification d’identité, puis passer sous le portique de sécurité et franchir une enfilade de grilles pilotées par un gardien pour atteindre le Centre National d’Évaluation où une trentaine de détenus venus de toute la France sont évalués pendant 6 semaines pour permettre d’estimer la possibilité d’une réduction de la lourde peine à laquelle ils ont été condamnés.

Nous sommes en avance nous confirme l’agent pénitentiaire qui nous accueille gentiment. Il nous installe dans la salle qui fait office de bibliothèque en attendant l’arrivée des détenus. Les six volontaires qui se sont inscrits se présentent une à une en nous saluant chaleureusement. Nous les invitons à s’asseoir sur les chaises placées en arc de cercle autour de la table mais l’un d’entre eux se montre réticent qui reste debout en face de nous, adossé aux étagères.

Nous nous présentons rapidement et abordons les thèmes des livres que nous avons écrits. Très vite, nos interlocuteurs rebondissent et prennent la parole. Trois très vite la monopolisent. 

Thirry moral

Thierry Moral 

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Un des participants semble ne pas comprendre ce qui est dit. Ses voisins lui traduisent en arabe ce que les auteurs viennent d’expliquer. Ne se sentant pas bien, il quitte la salle rapidement. L’homme resté debout se montre très en colère contre la société, contre ce qu’il lui est arrivé, contre beaucoup de choses dans le monde. Un autre détenu partage son expérience d’écriture. Il écrit du fantastique. Il a l’air passionné par le monde qu’il a inventé. Nous l’invitons à poursuivre. Nos interlocuteurs s’intéressent aussi aux différentes façons de se faire éditer.

Sylvie évoque son processus de création, qui consiste à partir du réel pour réinventer une histoire crédible permettant aux lecteurs de s’identifier à un ou plusieurs personnages. Le travail de documentation occupe une place importante. Cette question interpelle grandement l’ensemble des invités qui veulent comprendre comment cela se passe. La thématique de la guerre passionne, interroge, révolte... Les auteurs invitent les participants à écrire, pour exprimer leurs propres émotions.

Le clou de la séance est la lecture de poèmes écrits par Thierry. Avec ses qualités d’acteur, Thierry a su insuffler de la vie à ses textes en les déclamant en mode Slam. Même si le sujet des textes étaient graves, les trois temps de lecture ont permis de respirer et ont réjoui toute la salle.

Notre intervention a pris fin au bout de deux heures. Tout le monde était satisfait des échanges aussi bien les auteurs que les cinq participants.

17 Avril : " Exprimer ma gratitude pour ce moment", notre nouvelle adhérente , Emilie, dans le centre de détention de Sequedin.

Brigitte cassette 1

Brigitte Cassette 

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Compte rendu d'Emilie KRENGEL avec Brigitte Cassette

Quoiqu’un peu stressée, c’est sans trop d’appréhension que je rejoins Brigitte Cassette, Vice - présidente et ancienne Présidente de l'ADAN , cet après-midi-là, à l’entrée du centre pénitentiaire de Sequedin. Je dois dire que nos échanges téléphoniques et l’envie de pouvoir aider, à mon échelle, y sont certainement pour quelque chose. C’est donc un saut dans l’inconnu qui m’attend et le stress commence quelque peu à s’intensifier au moment de passer le détecteur et les sas de sécurité. Nous sommes aussitôt plongées dans l’ambiance mais le sourire et la bonne humeur de ma collègue autrice suffisent à apaiser la tempête intérieure qui sévit dans mon cœur. Un gardien souriant nous guide jusqu’à la bibliothèque et je me sens aussitôt à ma place en voyant les étagères garnies de livres. Il y a des peintures qui sèchent, vestiges d’un atelier précédent et je me dis que l’art est avant tout un moyen incroyable de faire ressortir les sensibilités de chacun.

Cinq participants finissent par nous rejoindre. Presque tous semblent un peu réservés au départ mais Brigitte entre rapidement dans le vif du sujet et présente l’association avec une passion contagieuse. Rapidement, les questions fusent sur le métier d’auteur et les différentes voies d’édition. Certains semblent très intéressés par le sujet et la magie opère. Nous échangeons un moment en évoquant les difficultés auxquelles sont confrontés les auteurs puis, armée d’un feutre rouge (le seul à disposition), Brigitte invite les participants à rechercher et énumérer les genres littéraires. 

 

 

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Emilie Krengel 

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Ce moment d’interaction et de partage permet rapidement de donner une cohésion au petit groupe qui se montre intéressé et curieux. Vient ensuite pour moi le moment de présenter mon roman dans une écoute bienveillante et attentive. A ce moment-là, je ne suis plus dans cette prison mais au sein d’un groupe qui pendant quelques heures est lié par la culture et l’amour des livres, des histoires. Nous essayons de planter des graines, celles de l’envie d’écrire, de la nécessité de créer, de faire entendre sa voix, de briser les barrières mentales qui freinent les projets, de déconstruire pour se trouver.

Naturellement, nous orientons l’échange vers un petit atelier portant sur l’écriture thérapeutique. Nous souhaitons les voir écrire car nous sommes convaincues l’une et l’autre du bienfait qui peut en résulter. Brigitte sait comment les encourager et les pousser dans leurs retranchements. Rapidement quatre participants font courir leur stylo sur les pages blanches. Le moment où ils partagent leurs écrits est puissant, presque émouvant et je me sens reconnaissante de pouvoir y contribuer. Brigitte nous fait l’immense plaisir de réciter un poème de Victor Hugo. Debout, elle incarne chaque mot pour nous offrir à tous un moment suspendu hors du temps. Je perçois l’émotion et les sourires autour de moi. Après la lecture d’un extrait du recueil collectif qu’elle a choisi de déposer, nous terminons cet échange dans la bonne humeur. Nous les saluons finalement avec l’espoir d’avoir pu être utiles d’une manière ou d’une autre. Puis nous cheminons vers la sortie sans trop de difficultés. Dehors, je prends le temps d’inspirer, de contempler le ciel et d’exprimer intérieurement ma gratitude pour ce moment.

Compte rendu d'Emilie KRENGEL avec Brigitte Cassette

27 Février : une animation décoiffante à Sequedin

 

J delbeque

Janine Delbecque 

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" Eh bien, nous avons été bluffées, Janine Delbecque et moi, lorsqu’un détenu du centre d’évaluation nous a raconté son aventure littéraire ! Venues pour échanger sur nos livres avec cinq messieurs qui espèrent un assouplissement ou une réduction de leur peine, notre entretien se déroulait de façon habituelle - des échanges informels à propos de pages que nous avons lues et qui ont paru les intéresser - voilà que l’un d’eux nous a damé le pion : « Moi aussi, j’ai écrit un livre ! Il va paraître chez Robert Laffont et la télé a déjà acheté les droits pour en faire une série. » Nous voilà stupéfaites par ce miracle que, nous-mêmes, n’espérons plus : trouver d’emblée un éditeur sérieux qui s’intéresse à nos bébés ! Alors, quid ? 

Voilà donc ce Guadeloupéen, apparemment dans la trentaine, qui se met, non pas à nous raconter son parcours de baron de la drogue - il lui a suffi de le mentionner - mais pour nous dire quelle thérapie avait été pour lui l’écriture de cette autobiographie. 

Mc georges

Marie Claire Georges 

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Pour y parvenir, l’éditeur l’a bien sûr fait aider par des personnes compétentes et le résultat est là : « De la chute à la renaissance » est promis à un bel avenir littéraire et télévisuel. Le pseudonyme de l’auteur ? Pablo Escobar, ça ne s’invente pas. C’est qu’il est impératif de prendre un pseudonyme pour éviter d’entacher la réputation de quelqu’un qui veut redémarrer dans la vie sur des bases saines.

C’est sur cet échange surprenant et positif que nous nous sommes quittés. Nos livres ont circulé, ces messieurs ont tenu à les lire tout de suite. Ils en sauront bientôt plus sur les « Aux confins du Vieux Lille », l’étude soigneusement documentée de Janine sur la métropole si proche et inaccessible. « L’ombre d’Auriel », mon roman dont le prologue les a touchés, et « Tout près, sur l’autre rive », mon recueil de nouvelles noires, pourront aussi les distraire et leur donner à réfléchir, mine de rien. Et nous, nous sommes rentrées une fois de plus enrichies par cette rencontre : si la vie nous fait un jour déraper et que notre horizon paraît fermé par des murs, nous pouvons toujours les détruire en changeant notre regard.

Compte rendu de Janine Delbecque avec Marie-Claire George

09 janvier : " Nous les encourageons à écrire, à « oser » l’écriture."

Celui-là retraité de l’éducation nationale, auteur d’une douzaine de romans, celui-ci conteur de profession, comédien, metteur en scène, auteur.

Thierry est intervenu au CNE récemment dans le cadre de son métier. Il connaît les lieux et nous pilote dans le labyrinthe des cours, des espaces grillagés, des immenses couloirs et des salles au sinistre décor de béton. Nous découvrons que pour ouvrir une porte, la précédente doit être fermée. L’endroit m’est également familier, car j’y suis intervenu de nombreuses fois, mais, contrairement à Thierry, j’ai du mal à me repérer dans cet environnement glacial, sans l’ombre d’une plante verte, sans couleurs, troublé par des bruits de grilles qui s’ouvrent ou se ferment, par des échos qui rebondissent sur les murs gris.

La petite bibliothèque est bien fournie en livres. Tous les genres sont représentés du thriller le plus macabre en passant par du récit historique, des essais spirituels et des bandes dessinées ! Nous avons devant nous 6 détenus. Thierry et moi nous accordons chacun une demi-heure pour présenter notre ouvrage. Ensuite, ce sera la discussion libre, les questions, les remarques. Je parle de l’école primaire, Thierry présente un recueil de poésies. Comme d’habitude les échanges sont très intéressants et le temps passe très vite. L’intérêt est porté sur l’émergence de l’acte d’écriture, l’inspiration, la page blanche... Nous en arrivons à la conclusion que le temps d’écriture mentale et celui de la rédaction sur le papier (ou à l’écran), n’est pas nécessairement le même. Autre point abordé, la vraisemblance des faits, notamment dans la fiction. Chaque auteur use de ses propres méthodes, mais le point de rencontre demeure la visualisation. Il est difficile de décrire quelque chose qu’on ne voit pas, ou qu’on ne se figure pas. 

Des problèmes généraux sont également abordés : l’épineuse question des « fautes », l’édition, le rôle de l’éditeur, les droits d’auteur, etc. L’une des personnes présentes dit qu’un détenu peut écrire mais ne peut pas être édité pendant toute la durée de sa détention. Nous les encourageons à écrire, à « oser » l’écriture. Les détenus nous remercient chaleureusement pour ce moment « hors du temps ». L’un d’entre eux évoque Proust. Chacun sa madeleine.

A la sortie de la bibliothèque nous rencontrons madame Rey, l’organisatrice de la rencontre, avec l’ADAN. Elle nous informe de la possibilité d’organiser un atelier d’écriture au CNE. Formidable initiative ! 

Compte rendu de José Herbert avec Thierry Moral.