Pette - Debril Marie Claude

France 3 19/20 - Littoral Hauts-de-France 

Journal lundi 12 février 2024

Trois femmes - toutes trois prénommées Brunnissande - évoluent à diverses époques 1404, 1795 et 1944. Un même lieu les accueille : le delta de l'Aa et le territoire des Wateringues, où l'eau est omniprésente. Enracinées à Sainte-Marie-Kerque et surtout à Saint-Orner, elles connaissent des débuts de vie quasi identiques mais progressent différemment au gré des vicissitudes de la vie. Trois dates et trois inondations catastrophiques : d'origine naturelle comme en 1404, par négligence et manque d'entretien en 1795. ou encore sous couvert d'une stratégie criminelle lorsque les Allemands ouvrent en 1944 les vannes des écluses, inondant les marais fertiles d'eau salée de la Mer du Nord. En butte aux aléas climatiques et aux inondations, ces femmes sont au surplus confrontées à la folie meurtrière des hommes : la Guerre de Cent ans, la Révolution et la 2de Guerre mondiale. Le courage des gens du Nord pour remettre le pays en l'état est incontestable, tant après les catastrophes dues à la nature, que pour combattre l'ennemi. Les turpitudes et la vénalité des politiques sont aussi d'autres constantes, avérées par les documents historiques, auxquels il est fait référence. Le sort s'acharne sur l'Europe et la France n'y échappe pas, ajoutant aux malheurs les pandémies de peste au Moyen Âge, de grippe espagnole au XXème siècle, très proche de celle du coronavirus que nous subissons actuellement.. À travers le riche patrimoine local vous découvrirez, à la fin de cette passionnante saga historique, les liens qui unissent les trois Brunissande.

Comme pour ses précédents livres, l’écriture est complétée par  des gravures originales, créées spécifiquement pour cet ouvrage. Outre les trois frontispices, marquant le début de chaque période, d’autres illustrent le paysage, les végétaux, les animaux et légendes de la région comme Marie-Grauette, la sorcière des marais.

Chaleur extrême au-dessus des fours à coke, humidité maximum, poussière, charges lourdes à porter, travail en continu de septembre à Noël... à tout cela s'ajoutaient des conditions de vie précaires : ils s'en accommodaient en échange d'un salaire appréciable en Belgique.

Par-delà cette austérité de leur quotidien, leur famille leur manquait. A ces maris solides, il fallait des épouses à leur image. Trop souvent oubliées, seules au pays avec les enfants et toutes les responsabilités qui leur incombent, elles ont été, à juste titre, également mises sous les projecteurs dans cet ouvrage.

Ces aspects de leur vie très rude ont été rassemblés lors d'entretiens avec les anciens. Collecter la mémoire des sécheurs et des saisonniers était indispensable avant qu'elle ne s'envole.  Les dernières sécheries furent fermées dans les années 1970. De celte étroite collaboration franco-belge des liens ont subsisté. Une association «  Des racines et des hommes » a été créée. Grâce à des fonds publics et des bénévoles motivés, une sécherie a été réhabilitée, la dernière au nord de Paris.

Chaque année, le 3e dimanche d'octobre, une fête de la chicorée permet de rassembler tous les acteurs et le public intéressés autour du géant Albert, de la Confrérie de la cossette de chicorée et du Comité de jumelage CCRA - Lichtervelde,

« Ce roman rend un bel hommage aux saisonniers et à leurs familles, à la vie et au travail dans les sécheries... »

" Enjambant des gravats, Katelijne se sentit retenue en arrière, accrochée par le bas de sa cotte. Voulant se dégager, en une fraction de seconde elle fut saisie d'horreur : non, ce n'était pas à quelque poutre calcinée qu'elle était agrippée mais à une main velue, sale, énorme, puissante. Le soldat allongé sur le sol, tout de fer vêtu, casqué, d'une voix gutturale sortant de sa cage métallique, lui adressa quelques mots mi-flamands, mi-français, qu'elle n'osa comprendre. Il tira violemment sur sa robe et la fit tomber..."  

Jan, personnage romanesque itinérant mais ancré à Bergues, et son épouse Katelijne participent à l'Histoire avec un grand « H ». Bergues avait été choisi dès 2003 - bien avant l'aventure de Bienvenue chez les Ch'tis pour sa richesse en traces encore visibles de cette période. Docu-fiction, ce livre vise à mettre en évidence notre patrimoine et le quotidien des hommes de cette époque. La Guerre de Cent ans mettant aux prises Anglais et Français, les révoltes flamandes, le Grand schisme d'Occident, la peste, les vicissitudes liées aux aléas météorologiques, la famine... autant de fléaux qui ont marqué les habitants de la Flandre de 1345 à 1420. Des extraits des archives de la ville de Bergues, des écrits d'historiens réputés, Stéphane Curveiller, en particulier, Doyen de l'UFR d'Histoire-Géographie de l'Université d'Artois, des témoignages de Froissart et de Deschamps, et de bien d'autres documents prêtés par le Conseil Général du Pas-de-Calais, font toute la richesse de cet ouvrage à destination du grand public. 

Mettre en scène un personnage qui voyage afin de découvrir le pays et lui faire vivre une histoire d'amour avec la belle Katelijne... autant d'éléments qui rendent attrayante la lecture de ce livre. La Communauté de Communes de la Région d'Audruicq étant jumelée avec Lichtervelde, en Belgique, le Grand Bailli de Flandre, Jacques de Lichtervelde, y trouva sa place tout naturellement. Graveuse , l'auteure a créé les estampes qui illustrent le volume et, dans un atelier spécialisé d'Avranches, elle a réalisé l'enluminure de couverture.  

" Elle avait quatre ans, son oncle Alexandre était proche de la cinquantaine. Jusqu'à son dernier jour elle se souviendra du bonheur qu'il lui procura et qui décida inconsciemment de sa vie entière. Il l'emmenait chasser, la hissait sur son dos, lui tenait les pieds serrés dans sa carnassière tandis que de ses petites mains elle se retenait à son cou. " 

Née en 1747 et décédée en 1823 à Zutkerque, dans Ie Brédenarde, près de Saint Omer, Marie-Cecile Charlotte de Laurétan, baronne de Draëck par le mariage, a traversé avec courage la tourmente de la Révolution et chassé passionnément jusqu'à exterminer 767 loups dans tout le nord de la France.

Un physique ingrat compensé par la beauté de l'âme plus qu'une aristocrate, ce fut une femme noble aimée des paysans. Elle lutta contre les loups qui pullulaient, les hommes qui, par sexisme, ne lui reconnurent pas le titre de « louvetière », et les révolutionnaires, ennemis jurés des fidèles royalistes auquels elle appartenait.

Sa vie épique digne des plus grands films d'action, la fit surnommer la «Diane du Brédenarde» ou simplement la « Dame aux loups ».

Extravagante par commodité, libre, aux cheveux coupés courts, portant culotte, exerçant un métier d'homme et osant braver le qu'en-dira-t-on, elle avait deux siècles d'avance. Comment ne pas penser à George Sand pour qui 2004 fût l'année du bicentenaire de la naissance ?