Un voyage, une rencontre...
Lundi 16 juillet 2018, entre 14 h et 16 h. Dehors, le soleil cogne dur. La salle d’activités du Centre pénitentiaire d’Annœullin est comme une oasis. Une parenthèse d’espace et de temps qui nous semble loin de la prison. Comme si les portes que nous venons de franchir les unes après les autres ne pesaient plus de tout leur poids de fer et de barreaux.
Pour Bernard Tettelin, que je rencontre pour la première fois, c’est une grande première. Il n’est jamais intervenu en milieu pénitentiaire. Mais à chaque fois, il y a comme un moment de grâce. D’abord, chaque détenu vous salue. Le rapport est franc, cordial. Ils sont une vingtaine et tous sont reconnaissants de cette visite, de ce moment passé, de cet ailleurs qui soudain s’ouvre.
La présentation des ouvrages a été effectuée par Perrine et Justine du service Activités. Au menu : Sur le fil de l’épéede Bernard Tettelin aux éditions EdiLivre. Le synopsis : « Dominique, 22 ans, s'est dévoué corps et âme à sa famille. C'est un Quasimodo ‘’moderne’’, perdu au cours du XXIème siècle ! Il est viscéralement attaché à sa mère, Solange, veuve précoce de Damien. Il joue alors le rôle du père disparu et se consacre à ses deux frères et à sa petite sœur, et fait en sorte que ces derniers puissent grandir dans les meilleures conditions possibles. »
Pour ce qui me concerne, il s’agit d’un ouvrage publié au Papillon rouge éditeur :Le sport, à la vie, à la mort ! Le propos : « Une plongée au cœur d’histoires extraordinaires, véridiques, qui ont touché des champions victimes de leur folle passion. Ayrton Senna, Tom Simpson, Eric Tabarly, se sont brûlés les ailes à trop vouloir s’approcher du soleil. »
Chacun, à tour de rôle, présente son ouvrage. Le débat, naturellement, s’installe très vite. Bernard, ancien professeur de lettres, touche par son humanité. Les gamins en déshérence qui font tout pour s’en sortir, il connaît. Il en a rencontré beaucoup dans sa carrière.
Pour le sport et le journalisme, l’échange est parfois rude. Pas facile de mettre en brèche certaines théories du complot. « Les journalistes sont-ils vraiment libres ? »De fil en aiguille, on en arrive même à Dieudonné. « Et pourquoi, lui, est censuré ? »
Parmi les détenus, il y a un ancien boxeur. Cela permet de revenir aux valeurs et au sens du respect au travers l’un des portraits du livre : le boxeur coréen Kim Duk-Koo. Les propos du champion font consensus : « La boxe est le plus honnête des sports. Tout le monde a sa chance. On n’a jamais vu un homme à trois bras. Pour boxer, il faut deux poings, deux bras et avec ça, on fait de son mieux. » Ou encore : « Si je n’avais pas eu la chance de boxer, je serais toujours un voyou, un gamin des rues sans avenir. »
Mais il est déjà plus de 16 heures. Le temps est passé trop vite. A la demande des détenus eux-mêmes, Bernard et moi laissons nos livres à disposition du service Activités. Tous les participants se promettent de les lire avec plaisir ! Dans la discussion, un détenu plus âgé dévoile que l’une de ses premières envies en liberté sera de se rendre à « la plus grande librairie de la région ». « Elle est à La Gorgue », confie-t-il. En réalité, il s’agit de la Bouquinerie des Flandres qui - pour bien connaître l’endroit - est une véritable caverne d’Ali Baba. J’y ai même retrouvé certains de mes ouvrages à prix soldés et défiant toute concurrence...
Les livres c’est fait pour ça : pour voyager. Bernard se dit qu’il reviendrait bien comme bénévole en milieu pénitentiaire pour partager, pour transmettre.
Ce lundi 16 juillet 2018 au Centre pénitentiaire d’Annœullin, le livre était un voyage, une belle rencontre.
Hervé LEROY