Ce sont des femmes et des hommes orchestres animés par la passion de l’écrit qui consacrent dans les marges de leur activité principale tout leur temps libre à la création et à l’auto promotion quand ce n’est pas à l’autoédition. En effet, depuis 2021, année de la pandémie de Covid, le nombre de manuscrits reçus quotidiennement par les éditeurs a doublé. La filière est embolisée. Si les Français lisent moins, de plus en plus rêvent de trôner dans la vitrine des librairies. Et si les auteurs trouvent une maison d’édition, ce n’est qu’au bout d’un pénible marathon. Dépourvus de moyens de promotion conséquents, la plupart des éditeurs sont de taille modeste et publient une dizaine de titres par an tout au plus.
Début 2023, le magazine Livres Hebdo titrait : « 2022 : l'irrésistible ascension de l'autoédition »
Aux frontières du paysage officiel, face à un monde éditorial engorgé, les pratiques littéraires de la dernière génération ont dû s’adapter. Ils investissent de nouveaux supports de publication et d'édition lesquels infusent de plus en plus dans la société.
Edité, autoédité ou hybride, la liberté de création et de diffusion constitue l’un des piliers majeurs d'une culture fertile et ouverte.
Un ouvrage sur cinq déposé à la BNF est autopublié avec un niveau de qualité la plupart du temps équivalent à celui de l’édition professionnelle car l’expérience fait progresser et professionnalise. En parallèle, les maisons d’autoédition se sont étoffées et proposent souvent les mêmes services que les éditeurs. « Le recours aux services éditoriaux et d’accompagnement à l’écriture explose » commentait Livres Hebdo. Certaines maisons d’autoédition servent d’ailleurs d’agences littéraires et de passerelles vers l’édition classique telle Librinova. Des primo-accédants comme des auteurs reconnus y recourent soit parce qu’ils n’ont pas trouvé d’éditeur soit pour augmenter leurs revenus soit pour mieux contrôler leurs ventes. Certains auteurs créent leur propre maison d’édition tel Joël Dicker qui a quitté De Fallois début 2021.
Ces auteurs autoédités ou hybrides sont le levain de la littérature de demain et c’est pourquoi ils doivent être encouragés et traités à égal avec les auteurs ‘’édités’’ tant la frontière entre les deux est poreuse. Soyons clairs, aujourd’hui chacun peut créer librement sa maison d’édition. Aucune formation n’est requise. Aucun contrôle administratif n’est exercé sur eux à la différence des organismes de formation par exemple. Le fait d’être publié par l’une quelconque des 10.000 maisons d’édition présentes sur le marché ne vaut pas certificat de qualité. Edités ou autoédités figurent d’ailleurs côte à côte, sans distinction, comme les maisons d’édition et d’autoédition, dans la plupart des salons et événements littéraires. Quant au lecteur, il ne se préoccupe pas de l'éditeur. Il recherche un auteur. Tout milieu installé devient conservateur et défend sa rente. Le prix Renaudot a cependant ouvert une brèche en 2019, en sélectionnant un livre édité à compte d’auteur.
Pour faire émerger des talents durables, l’ADAN réclame des mesures de développement durable qui permettent aux jeunes auteurs de pouvoir se consacrer à leur travail de création au moins à temps partiel.
C’est ainsi que l’ADAN réclame que tous les auteurs ‘’édités’’ ou ‘’autoédités’’ soient recevables à la plateforme « Pass Culture » dédiée aux enseignants et aux établissements scolaires, qui permet de proposer ses ouvrages et des interventions en milieu scolaire. Les enseignants sont assez qualifiés pour savoir faire un tri qualitatif.
L’ADAN demande également que tous les salons, subventionnés ou non par le Centre National du Livre, rémunèrent les auteurs et ce sans distinction, sur la base du barème applicable aux manifestations subventionnées, barème inspiré de La Charte des auteurs et illustrateurs jeunesse.
L’ADAN s’étonne que certains salons, généralement organisés par des communes huppées, non content de ne pas rémunérer les auteurs leur fassent payer leur emplacement. Les mêmes font payer un droit d’accès aux visiteurs. Serait-ce là un moyen détourné d’opérer une discrimination par un biais économique ? Lorsque le Centre National du Livre subventionne, la gratuité d’accès doit prévaloir pour les auteurs comme pour les visiteurs. Pas d’auteurs, pas de lecteurs, pas de salons. Et il faut savoir que les auteurs autoédités ou hybrides sont aujourd’hui majoritaires dans nombre d’entre eux.
L’ADAN ne fait pas l’aumône mais demande seulement un accès ouvert et équitable au marché et une juste rémunération des auteurs du fait de leur activité qui ne touche que 8 à 10% du prix du livre.
Ces quelques mesures n’ont rien de révolutionnaires. Elles doivent permettre aux auteurs d’augmenter la part de revenu qu’ils tirent de leur activité créative et de lui consacrer plus de temps. Elles favoriseront la germination de nouveaux talents en encourageant les auteurs à se professionnaliser. Et les lauréats des grands prix littéraires de demain ne seront plus seulement issus des écuries des grandes maisons d’édition mais proviendront aussi du terreau fécond des auteurs en région.