Le coin des Experts du livre Hauts-de-France Mars 2025

Le 18/03/2025 0

Entretien avec Joêl Lévêque, dirigeant de "A Contresens éditions " par Ophélie Desnoulez, référente communication ADAN .

" Chaque maison d'édition indépendante peut découvrir ses atouts , il lui suffit de s’affranchir des idées reçues et de la sacro-sainte chaîne du livre qui nous emprisonne dans un système qui n’est pas fait pour nous." 

Vous êtes expert du livre et vous développez une stratégie singulière en terme d'organisation, de communication, de promotion qui porte des fruits et dont le partage pourrait être bénéfique à la communauté ADAN ? Faites le nous savoir en écrivant à ADAN@orange.fr . Nous prendrons contact avec vous . 

" Casser les codes, aller à contresens d’un monde archaïque..."

Ophélie Desnoulez: Pourquoi et comment êtes-vous devenu éditeur indépendant?
Joêl Lévêque.Photo joel m zoom

J’ai toujours été passionné d’écriture. Avant de me lancer dans l’édition, j’avais écrit 3 ouvrages. Constatant avec d’autres collègues auteurs que la relation auteur/éditeur n’était généralement pas satisfaisante – c’est un doux euphémisme – nous avons décidé, Françoise (mon épouse) et moi, de créer À Contresens Éditions. Cependant, cette maison d’édition devait casser les codes, aller à contresens d’un monde archaïque, respecter le travail de création des auteurs, mais de promotion aussi, mieux les rémunérer, plus souvent, et de façon lisible. Il fallait aussi assurer une véritable gestion, comptable, administrative, organisée et par-dessus tout créer un esprit d’équipe, d’entraide, de confiance. J’ai donc totalement mis de côté mes propres écrits pour me consacrer à la gestion de la maison, Françoise étant maquettiste PAO et chargée de la communication.
Ophélie Desnoulez: Quelle est la ligne éditoriale de votre maison d’édition ?
Joêl Lévêque: Il n’y a pas de ligne éditoriale proprement dite chez nous, sauf si l’on admet que la bonne humeur, la combativité, le réalisme des projets, la vision lucide du monde du livre, l’envie de travailler dans une maison dont on apprécie l’esprit, constituent une ligne éditoriale.

Ophélie Desnoulez: Face à la concurrence accrue des grandes maisons d’édition, comment gérez-vous la promotion des livres de votre ME ? 
Joêl Lévêque: Là aussi, il faut être lucide, connaître le terrain, ne pas jouer dans la cour des grands quand on est petit et connaître ses atouts, c’est-à-dire, ce que nous, maisons indépendantes, pouvons accomplir et que les groupes éditoriaux sont incapables de faire. Quels sont ces atouts ? Par exemple : la souplesse, la réactivité, la proximité avec nos lecteurs, les organisateurs de salons, le milieu associatif, les établissements scolaires etc. Il y a beaucoup d’autres atouts également, chacune des maisons indépendantes peut découvrir les siens, il suffit de s’affranchir des idées reçues et de la sacro-sainte chaîne du livre qui nous emprisonne dans un système qui n’est pas fait pour nous. Au plan national, une maison d’édition inconnue qui édite des auteurs inconnus et commercialise ses livres par le biais d’un petit diffuseur et petit distributeur n’a aucune chance de s’en sortir. En conséquence, la promotion de nos livres s’effectue par la présence des auteurs sur le terrain (85 manifestations en 2024), dans des lieux dédiés à la culture mais pas uniquement, la fidélisation des lecteurs, les réseaux sociaux, mais surtout l’engagement des auteurs.

Ophélie Desnoulez: les éditeurs indépendants sont-ils mieux accueillis par les libraires ? Est-ce difficile de se faire une place ?
Les maisons d’édition indépendantes sont très bien accueillies par les libraires qui sont des gens sympathiques. Ceci dit, il faut aussi se mettre à la place du libraire qui doit réaliser un certain chiffre d’affaires pour pouvoir se verser un salaire, ce qui n’est pas toujours évident. .../ 

"S'affranchir des idées reçues et de la sacro-sainte chaîne du livre..."

Joêl Lévêque, suite : Comment réaliser ce chiffre ? En vendant des livres de portée nationale que les clients viennent acheter spontanément ou en tentant de vendre un ouvrage d’un auteur inconnu et pour lequel il faut argumenter, convaincre, donc passer du temps qui s’ajoute au temps de lecture nécessaire pour connaître l’ouvrage ? Je vous laisse le choix de la réponse. 
Le cercle vertueux c’est de faire bien connaître les auteurs dans un secteur déterminé (salons du livre, manifestations culturelles ou non, présence dans des lieux inattendus, foires, inauguration en lien avec le livre, marchés populaires, etc.) jusqu’à ce que les lecteurs s’adressent au libraire pour acquérir, la suite d’une collection ou un nouvel ouvrage. Mais, compte tenu de la concurrence, ça peut prendre des années avant que la vente en librairie fonctionne de façon efficace et déterminante pour l’économie de la maison d’édition. Pour résumer : ce n’est pas la peine d’aller casser les pieds à un libraire avec un livre qui ne se vendra pas tout seul !

Ophélie Desnoulez: Auriez-vous des conseils à donner à un auteur qui hésite entre l’autoédition et l’édition en ME indépendante, comme la vôtre ? 

Joêl Lévêque: Il vaut mieux être autoédité que mal édité, adage bien connu du monde de l’édition. Cependant, il y a des limites et des contraintes à l’autoédition. Des contraintes parce qu’un auteur autoédité ne bénéficie pas de l’aide de la maison d’édition pour la diffusion des ouvrages, leur référencement sur les plateformes, l’impact des réseaux sociaux, la crédibilité auprès des partenaires professionnels

Joêl Lévêque, suite : Si un éditeur prend le risque de financer l’édition d’un livre, c’est qu’il y croit, donc l’a lu, fait lire, modifier, corriger, engagé des frais de mise en page, consacré du temps à l’élaboration d’une couverture, etc.... Sans oublier l’inévitable solitude de l’auteur autoédité. C’est d’ailleurs à ce titre qu’une association comme l’ADAN prend toute son importance. 

Il y a des limites également. Certains salons du livre n’acceptent pas les auteurs autoédités. Des limites également sur le plan juridique, puisqu’un auteur autoédité ne peut commercialiser ses ouvrages qu’à la condition de posséder un numéro de Siret, d’être en autoentreprise ou de créer une entreprise. Dans le cas contraire, au regard de l’URSSAF, les choses sont claires : un auteur qui commercialise ses livres devient « vendeur de livres », doit s’acquitter de cotisations sociales, et ce dès le premier livre vendu. C’est pourquoi, afin de les protéger, tous nos auteurs sont « précomptés » et la maison d’édition effectue pour eux les prélèvements sociaux. Je suis bien conscient que la plupart des auteurs se trouvent hors-la-loi (pas uniquement les auteurs autoédités) et personnellement, ça ne me dérange pas, mais il faut connaître les règles.

Ophélie Desnoulez: Avez-vous des projets futurs à nous partager ?

Joêl Lévêque: Oui, changer le monde ! …

Site des éditions "A Contresens"

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